vendredi 24 juin 2011

Vallourec au Brésil

Vallourec au Brésil

Vallourec produit son propre minerai de fer et son charbon. Une intégration verticale qui fait du pays sa nouvelle base export
Des milliers de tonnes de minerai qu'une impressionnante armada de pelleteuses et de vieux camions bringuebalants arrache à la terre rouge de l'énorme mine à ciel ouvert de Pau Branco, à une centaine de kilomètres de Belo Horizonte, dans le sud du Brésil. Au coeur du bien nommé Etat du Minas Gerais (« mines générales »),


Le français Vallourec extrait chaque année 4 à 5 millions de tonnes de minerai de fer, six jours sur sept, à la lumière des projecteurs quand vient la nuit.


Réserves stratégiques


Reinaldo Brandao, responsable de la production du site, entame le tour du propriétaire en slalomant entre les engins de chantier et les nids-depoule. Demi-tour face à un cul-de-sac -

« Les pistes changent tous les jours, ici »


avant de s'arrêter au fond de la mine, dans un décor d'une beauté lunaire. Il désigne une paroi de roche noire :

« Voici l'hématite, notre trésor local. Elle renferme un minerai de fer de qualité remarquable. Même Vale [géant brésilien des matières premières. NDLR] est un client... »


le leader mondial des tubes sans soudure se découvrirait-il des velléités de challenger des Vale, BHP Billiton, Rio Tinto et autres géants miniers ? On en est loin : le leader mondial des tubes sans soudure pour les marchés de l'énergie et de l'industrie estime qu'il produit 1 % du minerai de fer extrait chaque année au Brésil, contre 75 % pour Vale.

La mine de Pau Branco et ses trente-cinq ans de réserves n'en restent pas moins stratégiques : elles permettent de fournir en minerai de fer l'aciérie de Belo Horizonte et la future usine géante de Jeceaba, à 100 kilomètres, qui devrait livrer ses premiers tubes à la fin de l'année. Une intégration verticale à la mode Pechiney, qui était présent des mines jusqu'au produit fini. Un modèle, surtout, qui permet à Vallourec, le leader mondial des tubes sans soudure d'imposer le Brésil comme une nouvelle plate-forme d'exportation, aux côtés de l'Allemagne et de la France.

« Nous produisons le minerai de fer, mais aussi le charbon consommé par nos hauts-fourneaux, issu de nos plantations d'eucalyptus, détaille Manfred Leyerer, directeur financier de la filiale brésilienne. C'est un modèle original dans l'industrie, qui nous permet de ne pas dépendre des cours du coke ou des contrats d'approvisionnements en fer. »


Verticalité rentable
Original, peut-être. Rémunérateur surtout. « Cette intégration verticale permet à la fois de sécuriser ses approvisionnements et d'échapper à la flambée des cours des matières premières, pointe Didier Julienne, ancien dirigeant de Norilsk Nickel et consultant indépendant, spécialiste des matières premières. Avec l'explosion des cours, ce modèle revient en force dans la sidérurgie, notamment avec ArcelorMittal et les groupes chinois. »


le leader mondial des tubes sans soudure n'a pas à se plaindre de son pari brésilien : sa filiale V&M do Brasil représente près du quart de son chiffre d'affaires total, soit 1 milliard sur les 4,4 milliards d'euros réalisés en 2010, et ses ventes ont augmenté de 44 % entre 2009 et 2010, quand celles du groupe plafonnaient à + 1 %.


« Nous sommes portés à la fois par notre modèle intégré et par la croissance de notre principal client, Petrobras, qui va investir 156 milliards d'euros d'ici à 2014 et pourrait doubler le numéro un mondial ExxonMobil à l'horizon 2020 », explique Joao Perez, directeur marketing de la division Oil & Gas de V&M do Brasil. Pas mal pour une division tombée dans l'escarcelle de l'industriel français en 2000, lors de l'intégration des activités brésiliennes de Mannesmann. Le groupe allemand avait patiemment tissé sa toile au Brésil : un premier site de production établi à Belo Horizonte dès 1952 pour répondre aux besoins naissants de l'industrie pétrolière locale, une mine de fer ouverte trois ans plus tard, et enfin la plantation des eucalyptus importés d'Australie en 1969, toujours dans l'Etat du Minas Gerais, pour sécuriser ses approvisionnements en charbon végétal.
Plus de 55 ans après le début de l'aventure, la machine brésilienne a été optimisée à tous les étages. La forêt, d'abord : Vallourec, via sa filiale V&M Florestal, dispose de 22 plantations d'eucalyptus dans le Minas Gerais, soit 115 000 hectares de forêts à quelques dizaines de kilomètres seulement de sa mine et de ses usines. Dans le centre de R&D high-tech, installé en pleine forêt, une quarantaine de biologistes mettent au point les plants les plus résistants aux maladies. La chaussure crissant sur les feuilles d'eucalyptus au sol, Helder Bolognani, le directeur du centre, désigne la canopée : « L'eucalyptus a la particularité d'atteindre 30 mètres en seulement six à sept ans, et de repousser une deuxième fois quand on le coupe à sa base, explique-t-il. Notre job, c'est de sélectionner les variétés les plus résistantes et les plus denses : plus il y a de bois, plus il y aura de charbon. »
Plus de 15 millions de jeunes arbres sont produits tous les ans dans la pépinière. Le bois est ensuite transformé en charbon dans les unités de carbonisation, une par plantation pour limiter les coûts de transport. Plus de 26 000 tonnes de charbon sont envoyées tous les mois vers les hauts-fourneaux de Belo Horizonte. Même exigence de productivité côté mine : « Nous avons divisé par deux les déchets par tonne de minerai produit en une dizaine d'années », souligne Reinaldo Brandao, responsable de la production de la mine de Pau Branco. « On pourrait sans problème passer de 4 à 6 millions de tonnes produites par an », renchérit Manfred Leyerer.

Capacités dopées

Une flexibilité bienvenue, car les besoins en fer sont appelés à exploser. Dans l'usine historique les machines tournent déjà à plein régime : des mandrins (pièces métalliques) perforent des billettes d'acier en fusion pour donner leur forme aux tubes, qui s'entrechoquent dans un vacarme infernal. « On fabrique 90 tubes par heure », explique Guillaume Neel, ingénieur procédés du laminoir. Et ce n'est que le début : à une centaine de kilomètres de l'usine, le nouveau site VSB - un investissement de 1,4 milliard d'euros partagé avec le japonais Sumitomo -, est en voie de finition. Un complexe gigantesque de 250 hectares, intégrant une aciérie et une tuberie, qui dopera de 10 % les capacités mondiales de Vallourec. « Le site sera destiné à l'exportation de tubes pour l'industrie pétrolière et gazière, notamment vers le reste de l'Amérique du Sud, l'Amérique du Nord, l'Afrique et le Moyen-Orient », indique Joao Perez.
1eres livraisons prévues pour fin 2011.

source Challenge

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