Air liquide en Chine
Pour son supplément « Produire en Chine » publié ce 17 mars, l'Usine Nouvelle a rencontré à Shanghai, Rémi Charachon, PDG de Air Liquide China. Cet HEC de 46 ans, basé dans la capitale économique du pays nous dévoile en exclusivité la stratégie du groupe et ses réflexions sur les changements du monde des affaires dans l'ex-Empire du Milieu.
source usine nouvelle
Quelle sont les activités d'Air liquide en Chine ?
Historiquement, Air liquide a mis le pied en Chine en 1916 ! Mais nous sommes présents de manière significative depuis 1990 à la faveur d'un contrat avec Philips Semiconductor. Au début de notre développement, nous avons eu énormément de Joint Venture (JV). Depuis nous les avons acquises ou arrêtées. Nous privilégions le développement en propre sauf exception stratégique. Le groupe produit et vend des gaz industriels à la très grande industrie (chimie, acier…), l'automobile, l'électronique et la santé. Nous réalisons environ 500 millions d'euros de chiffre d'affaires avec 45 sociétés dont 5 en JV et 20 grosses unités. Nous nous développons dans tous les centres industriels : Shanghai, Shenzhen, Chengdu, Tianjin, Wuhan, Qingdao, etc… A Shanghai, nous avons une salle de contrôle pilotant la moitié de nos installations. Il n'en existe que trois dans le monde. Nous disposons aussi de notre propre ingénierie qui emploie 800 salariés et travaille pour l'ensemble du groupe. Ce qui est un vrai plus.
C'est donc un marché clé pour l'Air liquide…
Si l'on veut être numéro un mondial, il faut être numéro un en Chine. Mais c'est exigeant. Nous sommes dans une phase très importante de croissance, avec le plan Teng Fei (« atteindre de nouveaux horizons ») lancé en 2007. L'objectif est d'investir 300 millions d'euros par an. Dans les gaz industriels, le marché en Chine croit vite, de l'ordre de 15% par an. De surcroit, il y a le début d'un recours à l'externalisation de la production des gaz industriels pour la grande industrie. Par exemple nous avons signé un contrat avec Shagang un des principaux sidérurgistes du pays pour fournir son usine de Shanghai en oxygène (120 000 m3/h). Pour lui nous avons investi dans deux unités de séparation de l'air pour 90 millions d'euros et nous lui fournissons de l'oxygène dans le cadre d'un contrat de 20 ans. L'usine a démarré mi 2009.
Une réelle concurrence
Outre Air liquide, tous les grands opérateurs mondiaux des gaz industriels sont présents en Chine, à savoir Linde, Air Products et Praxair. Sans compter les acteurs chinois. Le numéro un chinois, au coude à coude, avec Air liquide s’appelle Yingde Gases.
Au total, en 6 ans, j'ai – avec mon équipe - proposé au groupe 250 projets dont environ 30% ont abouti et nous aurons décidé d'investir au total plus d'1,2 milliard d'euros. Avec la montée en puissance de nos grands contrats, mécaniquement, notre chiffre d'affaires progressera ces prochaines années. Nous disposerons de plus de 50 unités de production à la fin de 2011 et nous sommes sans doute leader du marché depuis fin 2010. De plus nous avons des projets dans la gazéification du charbon, l'hydrogène énergie et le CCS (captage et stockage du CO2).
Vous résidez en Chine depuis 7 ans, qu'est ce qui vous frappe ?
Tout ce que l'on dit est vrai : ce pays change a tout allure, dans les grands centres urbains et ailleurs, que ce soit au niveau de ses infrastructures, du cadre législatif, de la vie quotidienne et surtout des affaires. En Chine, on doit décider et agir vite et ne pas laisser d'espace à vos concurrents sinon ils l'occupent aussitôt. Le marché est ultra concurrentiel. Sur certaines affaires, on se retrouve à 8 compétiteurs ! La discussion sur le contrat avec Shagang a été ainsi particulièrement ardue, heureusement nous avons reçu le soutien de la mairie locale avec qui nos relations sont bonnes.
En Chine tout est possible mais aussi compliqué. Aussi, il est essentiel d'avoir une vision claire de son business et un fort volontarisme. C'est ainsi que nous agissons. C'est très important vis-à-vis des employés et des cadres.
On parle beaucoup de la hausse des coûts, notamment des salaires est-ce une donnée importante ?
En fait, c'est à l'œuvre depuis longtemps. Certains cadres triplent leurs salaires en 6 ans ! Du fait de notre montée en puissance, les salaires pèsent toutefois aujourd'hui relativement moins qu'avant dans nos charges, donc ce n'est pas l'essentiel pour nous. Par contre, la question des ressources humaines l'est. Le marché se développe donc tout le monde à besoin de talents, les groupes chinois comme les occidentaux.
Comment gérer les ressources humaines ?
Il faut parvenir à fidéliser notamment les cadres et le top management, en leur montrant qu'ils ont des perspectives. Des études ont montré que les jeunes cadres ressentait un certains désamour dans les groupes occidentaux au bout de 2 ou 3 ans car leur carrière piétine. Nous faisons beaucoup d'efforts pour développer les talents chinois. Cela passe par les parcours de formation et le fait de leur offrir des missions à enjeu, y compris a l'étranger. Pour attirer les meilleurs jeunes nous avons mis en place un programme (Yang Fan ou « Hisser les voiles ») où ils passent une période en Chine avant de partir en Europe ou aux Etats-Unis. Nous avons aujourd'hui une trentaine de chinois en développement international. J'ajoute que pour réussir en Chine bien sûr il faut être chinois ! Nous n'avons que 14 expatriés sur 2 400 salariés. J'espère que d'ici 2 à 3 ans, 70% de notre comité directeur sera composé de chinois contre 50% aujourd'hui. Cette année parmi nos 150 postes clés, nous n'avons connu qu'une démission. Cela doit être le signe que l'on se sent bien chez L'Air Liquide !
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